mardi, 19 février 2008

Un être de papier



La salle dans le noir. Pas de décors. Deux comédiens. Elle, la mère (Valeria Bartolotto), qui interviendra en contrepoint des mots dits par le père (Pierre-Isaïe Duc).
Ce dernier, comédien sans artifice, se retrouve donc seul avec les mots de Philippe Forest.

Des mots qui vont essayer de comprendre. Des mots pour faire face l'innommable. On est prévenu avant d'arriver au théâtre sur le sujet de la pièce. Parler de l'Enfant éternel, c'est parler de celui qui va mourir. Philippe Forest a "fait de [sa] fille un être de papier" et il a fait confiance au metteur en scène Denis Maillefer pour voir ressurgir le passé sur scène. Exercice délicat comme une réécriture - ce que fait l'auteur de l'Enfant éternel à travers les livres qui ont suivi.

Et on est bouleversé par les chapitres articulés par le metteur en scène. Au son de la Fée Clochette, on tourne la page. On se rapproche de l’issue fatale. On passe des diagnostis médicaux sans appel à l’histoire de Petit Ours et de Boucle d’Or aux héros de Manga japonais. Le tout est ponctué par des extraits de Peter Pan lus par Joséphine Struba.

L'émotion est palpable, transmise par une interprétation impressionante de Pierre-Isaïe Duc, découvert hier soir. Palpable aussi à travers les spectateurs. Chacun à sa manière a dû entendre avec ce texte des échos d'expériences personnelles, des situations en "terrains connus".

Si le temps vous manque pour vous rendre au Poche, il faut lire le texte de Philippe Forest. Il commence par citer James Barrie, créateur de Peter Pan : "Two is the beginning of the end" (Deux est le commencement de la fin). A deux ans, l'enfant "sait déjà le tic-tac reptilien du temps".

Et l'auteur nous prend par la main et raconte.

Laisse-moi te dire à nouveau les mots par où commençaient nos histoires. Elles parlaient de géants et de fées, de pirates et d'Indiens, de lièvres et de lutins, de loups et de fillettes. La vraie vie est douce aux ogres plus qu'aux enfants [...]. Dans les marges des livres illustrés, indifférents aux mots dont nous nous rassurons ensemble, les démons comptent les heures et les sorcières préparent leur venin. Notre histoire est un conte semblable de terreur et de tendresse qui se dit à l'envers et commence par la fin : ils étaient mariés, ils vivaient heureux, ils avaient une enfant... Et tout commence encore, écoute-moi, puisqu'il était une fois..."*

* Philippe Forest : L'enfant éternel, Folio 3115, p. 14

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