jeudi, 25 janvier 2007

GG... un génie !


Ce soir, les rythmes cubains laissent la place au contrepoint. Je n’ai pas résisté après avoir vu le Dernier caprice de Joël Jouanneau à me replonger dans l’univers de Glenn Gould.

Tout le monde connaît les excentricités du pianiste de Toronto, sa recherche de la perfection, sa résolution de ne plus paraître en public dès 1964 et de se consacrer exclusivement à l’enregistrement.


J’écoute des enregistrements réalisés à l’âge de 35 ans, en 1967. Bach. J’allais ajouter « évidemment »… Les disques m’ont suivi, tout comme les livres de Bruno Monsaingeon sur Gould. Je n’ai jamais pu m’en défaire. Présence ténue, mais fidèle.


En 1951, à peine 20 ans, Glenn Gould déclare préférer la radio au concert : « l’idée qu’aucun effet visuel ne peut détourner l’attention ni faire passer certaines déficiences de l’interprétation influe de manière positive sur l’attitude de l’artiste ». Cela laisse songeur quant on pense au monde d’alors. Pas (peu) de télévision, la radio est encore un moyen de rassembler un auditoire (famille, amis) attentif autour du poste…

Un demi-siècle a passé : nos yeux, nos oreilles sans cesse sollicités ne laissent plus guère de place à la perfection recherchée par Gould. Une grande vague de nostalgie pour les années soixante m’envahit : photos en noir et blanc dans les albums de famille, émissions de radio qu’on nous permettait d’écouter au salon le lundi soir, le calme des rues avec peu de circulation. Un peu comme ce soir dans « la ville blanche »…

mardi, 23 janvier 2007

Consigne des minutes heureuses



Cet après-midi j’emprunte ce titre à Françoise Lefèvre. Dehors un semblant de flocons mouille le trottoir d’en face. Le parc est désert, les enfants encore en classe. Je m’emmitoufle dans toutes sortes de présences chaleureuses. Le goût frais de thé blanc partagé en début d’après-midi a donné le ton au reste de la journée. Et l’imagination s’est mise en branle à ce moment… Quelle est la légende qui a donné son nom au thé « Sourcil vénérable »… J’imagine un coteau où habiterait un vieux chinois aux sourcils broussailleux, lieu rempli de silence, le vent apportant seul la réponse à ma curiosité. Vénérable sagesse…
De retour chez moi, la senteur des jacinthes roses posées sur le rebord de la fenêtre me salue. Et l’esprit vagabonde. Je relis Une jacinthe bleue l’hiver contenu dans le petit recueil de Françoise Lefèvre. Ce livre offert voilà plusieurs années demeure un refuge fidèle des jours sans lumière. J’avais répondu à ce cadeau en offrant à mon amie Feuilles et racines de Michel Moret. L’aventure des Editions de l’Aire se laisse découvrir… Je me souviens de la première lecture de ce petit livre gris, - recouvert depuis, d’un papier aquarellé de rose et de jaune – Le livre est toujours posé sur mon bureau, à portée de vue… Les affinités littéraires et les découvertes ! Trônent à ses côtés: Calendrier des sèves, Atelier des saisons (deux Rebetez, Philippe et Pascal, deux chants que j’apprécie, les cerisiers en fleurs qui répondent au coquelicot), Le repos du cavalier de Gustave Roux, une anthologie de Pablo Neruda….

Es hoy : todo el ayer se fue cayendo
Entre delos de luz y ojos de sueño,
Manãna llegará con pasos verdes ;
Nadie detiene el río de la aurora... *

Je réalise que toutes ces « présences » tentent de faire oublier l’absent, dans l’appartement redevenu silencieux après son départ. Saveur du thé, lecture, poésie du parc à la nuit tombante sont les consignes heureuses de ce lundi après-midi.

* 49e poème dans « La centaine d’amour »

lundi, 15 janvier 2007

Glaciérologue



Parfois quand on me demande quel métier j’aurais voulu exercer, je réponds glaciérologue ! Loin de l’enseignement – milieu dans lequel j’ai grandi…, loin des livres et des bibliothèques -. A l’époque de mes études en Lettres, je n’étais bien qu’à la montagne. Fuir la vie citadine qui me ramenait à l’université. Les grandes marches, l’initiation à la haute-montagne, la vie en altitude laissent peu de place au temps pour soi ; la vie communautaire l’emportait forcément sur les lectures solitaires…

L’attrait de la montagne et du monde mystérieux des glaciers s’est peut-être cristallisé par la lecture de Frison-Roche, petite, par les vacances en Valais et bien sûr en Engadine. L’exposition vue hier matin à Berne m’a plongée dans mes souvenirs alpins. La reconstitution des bruits d’un glacier, dans un montage réussi, m’a transportée vingt ans plus tôt. Je traversais pour la première fois le glacier du haut de Morterach au pied du Palü et de la Diavolezza. Après huit heures dans le monde silencieux fait de cailloux et de glace, le bruit du glacier est le retour à la vie. Les lacs souterrains sont invisibles, les ruisseaux sont enfouis, mais entre deux crevasses le bleu turquoise foncé attire… Début d’un cours d’eau, donc début de la vie…
En 20 ans, les glaciers ont fondu. Sur les longues langues des glaciers, les pierres abondent, les moraines deviennent monstrueuses.
Non, je ne joue pas à la rabat-joie. Les faits sont là. Le réchauffement se confirme. Les seuls 2° de réchauffement suffisent à modifier les vallées alpines irrémédiablement. Et en ce mois de janvier, où le long de l’Aar les terrasses se succèdent, mon regard se pose au loin, sur les Alpes, paysage de fin de printemps. Ou presque.
Aux sceptiques d'aller voir sur place et en premier lieu l'exposition qui se termine en mars prochain !

jeudi, 11 janvier 2007

Air printanier


La pub est partout, le regard sollicité en permanence, pour peu d’effet dans l’overdose d’informations à laquelle notre cerveau doit faire face, comme un flux continu.

Dans le tram du matin, mon regard s’est posé sur une affichette publicitaire suspendue au plafond du véhicule. Je lis : « LYRIA – liaison TGV Genève Paris…Plus de 3000000 l’ont fait en 2006 »
L’image accompagnant ce texte n’est autre que le Baiser de Rodin. C’est pour moi comme une invitation à un week-end en amoureux. Source d’inspiration jamais tarie quand on foule le sol de ses squares, qu’on déambulent dans ses musées ou que l’on découvre la chambre, proche de la Seine qui abritera nos nuits ! Le ciel est souvent diaphane à en faire oublier la pollution et le stress des Parisiens, agressifs pour nous provinciaux.
Paris à deux… Mon trajet se termine. La journée commence. L’image va m’accompagner au fil des heures. La tendresse de ces deux corps, leur force évoquent une puissante intimité.
La photo combinée au texte incite à idéaliser les voyageurs potentiels de Lyria. 1500 000 couples se tenant par la main au bord de la Seine. On croit rêver.
A moins que par association d’idées statue-Rodin-Musée-Paris (le musée qui a lui tout seul mérite le voyage) on se décide à monter dans le train ! Un conseil, visiter le Musée Rodin à l’heure où les tilleuls du parc sont couleur vert tendre, en avril, à l’aube du printemps où la lumière douce se prêtera davantage aux lignes voulues par le sculpteur (avec un grand S)…

lundi, 8 janvier 2007

Comment vivre sans inconnu devant soi

La phrase mise en exergue est de René Char, elle me semble appropriée en début d'année. L'inconnu pour avancer, pour se forger de nouveaux projets, pour sonder ses désirs...
2007 sera l'année commémorative du poète de l'Isle-sur-la Sorgue. Page blanche aux souvenirs. C'était en 2002 au printemps. La petite ville au sud de la Drôme me laisse un sentiment de plénitude. Une image d'un pré vert immense, propriété de quelques couples de canards et la Sorgue pour seule clotûre, au bout du champ. Les rayons de soleil déclinaient et rendaient l'air infiniment doux... J'ai ce souvenir précis, mais n'en ai aucune photo. Ce voyage reste vierge d'images figées. (Aparté : qui de nous deux avait oublié de mettre un film dans l'appareil ? !)
René Char sera à l'honneur durant toute l'année. A Genève un livre d'exception est exposé au Musée Rath qui réunit Georges Barque et René Char pour une édition de Lettera amorosa. Je me suis rendue plusieurs fois au musée depuis l'inauguration et toujours avec cette même fascination. Le livre est proche dans l'espace d'exposition d'Yves Bonnefoi, de Ramuz : charges émotionnelles...

La page ouverte au visiteur murmure :

Je ris merveilleusement avec toi.
Voilà la chance unique.

Je respire profondément. Et je dédie cette phrase à l'homme avec qui je ris.