dimanche, 29 novembre 2009

L'acuité d'Antonio

Si parler du film c'est ici, le livre d'Eric Holder raconte une histoire autre... L'appréhension est toujours grande de commencer la lecture d'un livre dont on a déjà vu une adaptation cinématographique.* Avec Mademoiselle Chambon, c'est avant tout le personnage d'Antonio (Alain dans le film) que l'on retrouve le plus fidèlement au fil des pages. Devenu de plus en plus solitaire, Antonio redouble d'attention, regarde le ciel, comme si Véronique Chambon le regardait elle-aussi au même instant. Ce sont de très belles pages.

Un nouveau sentiment, en revanche, s'installait en lui, celui de porter davantage d'attention à ce qui l'entourait. Non point à Anne-Marie, donc, ni même à ce qu'il faisait, mais au monde proche, à la couleur du ciel, à une certaine lumière passant à travers un rideau d'arbres, à la paix qui émanait d'un crépuscule. Il lui semblait jusqu'à présent avoir été atteint d'une sorte de myopie, comme si sa vue s'était bornée à deux pas de lui et que le reste fût confondu dans le flou. Un espoir naissait dans cet oeil recouvré, il aurait été en peine d'expliquer cela. [...]
Cette acuité étrange atteignait son apogée lorsqu'il se rendait "aux blés"... Il se tenait à croupetons au bord de cet océan de vert dont les dernières vagues léchaient le commencement du bourg. le donjon de la Chaussée de Mécringes, à main gauche, une longue haie de peupliers ajoutaient à la vision, il attendait que ça monte en lui, quelque chose de plus poignant que tout ce qu'il avait connu.**
Il émeut cet Antonio pris de l'envie de voir et de l'envie d'écrire !

* le contraire arrive plus rarement, car on préserve le livre qu'on a aimé en ignorant l'adaptation sur grand écrand qu'on pourrait en faire...

** Eric Holder, Mademoiselle Chambon, Flammarion 1996, pp.101-102

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