lundi, 21 mai 2007

Entourée de mystère

La voix. Qui manque. Qui émeut. Familière. Douce. Métallique. Éteinte. Fatiguée. Sincère. Miélleuse. Insaisissable.

Dans la préparation de mon déménagement, me voilà à nouveau confrontée aux objets ayant appartenus à des proches, objets que j'avais emportés dans le chagrin, comme un réflexe pour combler le manque.

Les mois ont passé et ces objets me parlent de moins en moins, outre quelques photographies, un ou deux livres...
Les voix des proches se sont tuent et elle me voue au silence car rien ne pourra reconstituer ce mélange de timbre, d'intonation propre à chacun. J'imagine quel trouble se serait si un quelconque enregistrement me les rendait.
C'est mystérieux, une voix. Elle dévoile la personnalité d'un individu, elle est ancrée dans son intimité. Soyez enroué, perdez votre voix, votre personnalité se perd avec elle. Vous devenez "quelqu'un" d'autre. On dit que les yeux sont le miroir de l'âme, la voix, elle, si elle reste suspendue dans le temps et l'espace, vient de l'intérieur, liée au corps, vivant à son rythme ! Fermez les yeux et écoutez !

La voix lointaine (II)

Ou bien je l'entendais dans une autre salle.
Je ne savais rien d'elle sinon l'enfance.
Des années ont passé, c'est presque une vie
Qu'aura duré ce chant, mon bien unique.

Elle chantait, si c'est chanter, mais non,
C'était plutôt entre voix et langage
Une façon de laisser la parole
Errer, comme à l'avant incertain de soi,

Et parfois ce n'étaient pas même des mots,
Rien que le son dont les mots veulent naître,
le son d'autant d'ombre que de lumière,
Ni déjà la musique ni plus le bruit
.

Yves Bonnefoy, Les planches courbes, Gallimard (Poésie),2003


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